Analyse spatiale et démographie

 

 
 
 
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L'analyse spatiale, pourquoi faire?

L'analyse spatiale est avant tout un prolongement des techniques de la géographie classique, appuyée sur des outils formalisés qui relèvent plus de la modélisation ou de la statistique que de la sociologie et de la géographie culturelle. Car par analyse spatiale, on ne désigne pas seulement l'analyse géographique, terme qui reste encore bien large dans sa définition tant la géographie au carrefour des sciences sociales a su absorber des méthodologies dérivées de nombreuses autres disciplines. L'analyse spatiale stricto sensu recouvre avant tout l'effort de formalisation de l'étude des configurations spatiales et de leurs interactions avec le monde social.

L'analyse spatiale emploie par conséquent des concepts souvent mesurables, qui vont servir à exprimer des relations entre les formations sociales et le milieu. La distance est un des concepts les plus classiques de la discipline et connaît par conséquent une large gamme de définitions, qui oscillent entre les mesures les plus algébriques (distances euclidiennes etc.) aux évaluations plus compréhensives fondées sur les perceptions et l'information des acteurs. Mais de nombreux autres concepts aident à formaliser le propos: diffusion, hiérarchie, ségrégation, frontières et barrières, discontinuités, réseaux, axes, centre et périphérie, etc.

Ces notions informent l'analyse de configurations spatiales des phénomènes sociaux. On y reconnaît des formes types, qui définissent aussi bien un état de fait (une distribution, par exemple) qu'une dynamique en cours (flux). Les profils géographiques portent donc la trace d'une structuration proprement spatiale des phénomènes, qui pourrait échapper à un examen superficiel, ou paraître relever du seul hasard des répartitions. Il faut donc souvent savoir s'abstraire du contexte local dans lequel le travail est conduit pour identifier les formes singulières de la spatialisation du phénomène étudié.

L'analyse spatiale, comment faire?

Il ne faut pas se cacher le fait que l'analyse spatiale est aujourd'hui portée par un boom technologique représenté par l'avancement des systèmes d'information géographique (alias SIG). En effet, des problèmes de nature calculatoire ont longtemps ralenti la capacité d'examen et de modélisation des phénomènes spatiaux, relatifs en effet à des objets à plusieurs dimensions (telles que les régions) plongés dans une métrique contraignante (celle de la surface du globe) et chargés d'un appareillage d'information parfois considérable. Longtemps donc, l'analyse spatiale a fait grand usage de techniques de la statistique classique pour aborder et manipuler ses objets. La représentation des phénomènes et la prise en compte de leur caractère spatial étaient l'objet de cartes, souvent réductrices et toujours très stylisées.

Les SIG ont indubitablement changé ces perspectives, en permettant un traitement puissant de l'information spatialisée combinée en différentes couches. Dans un premier temps, ils se sont avant tout bornés à des méthodes de cartographie automatique et de manipulation d'entités spatiales. Ce faisant, ils ont permis à des non-géographes de se risquer à de nouvelles questions, autrefois hors d'accès de leur champ épistémologique pour des raisons techniques.

Dans un second temps, les SIG ont progressivement élargi leur capacité à créer des nouveaux objets spatiaux, à partir de requêtes combinant l'interrogation statistique (les villes de plus d'un million d'habitants) et les critères spatiaux (les villes près des fleuves). De nouvelles questions et hypothèses émergent soudain, liant les configurations spatiales et les attributs sociaux des unités considérées. Au-delà de la recherche, le SIG est devenu un instrument de gestion central pour l'aménagement, qu'il s'agisse des déchets, du cadastre, des flux automobiles, du redécoupage de la Bosnie, etc.

Fianlement, les SIG se sont également rapprochés des méthodes de la géostatistique, qui visent à mesurer ou à modéliser les structurations spatiales. La mesure de l'autocorrélation spatiale (la similitude entre deux objets est-elle une fonction décroissante de leur distance respective?) en est la plus classique illustration et les techniques utilisées aujourd'hui sont dérivées des modélisations géologiques les plus complexes (pour répondre à la question triviale: Où dois-je creuser si je veux trouver quelque chose?).


Et la démographie là-dedans?

Il ne faut guère de temps pour se convaincre de la place éminente de l'analyse spatiale dans la réflexion démographique, au-delà de la classique géographie de la population qui combinait certaines des questions propres aux deux disciplines. On se demandera d'abord si les phénomènes démographiques sont aléatoirement distribués dans l'espace et la réponse est immédiatement négative. Prenons par exemple la morbidité: une étude fine fait toujours apparaître des polarités singulières, avantageuses ou non pour les régions affectées. La fécondité se distribue très rarement de manière homogène et même dans les pays européens, dont les niveaux sont bas et promis à la convergence, les écarts entre régions, zones ou départements perdurent. Des frontières bien délimitées apparaissent parfois, suggérant une construction particulière de l'espace social.

La même question va se reposer à différentes échelles, du niveau individuel ou familial jusqu'à l'échelle la plus agrégées des pays, des grandes régions ou des continents. Il est en définitive difficile de ne pas trouver de phénomènes démographiques proprement inscrit dans l'espace. Songeons à l'immigration étrangère. Elle repose sur une répartition singulière, souvent favorable aux grandes villes plutôt qu'aux campagnes, mais par un effet "fractal" les mêmes variations de répartition peuvent se retrouver à l'intérieur des villes et le ghetto est la forme la plus exacerbée de cette signature spatiale. Mais au sein des quartiers, voire des immeubles, des écarts de répartition peuvent subsister, qu'il faudra identifier pour comprendre certains des modes d'interaction sociale qu'observent les sociologues.

Mais la question qui se pose ultérieurement est de savoir l'origine de cette configuration spatiale singulière. Elle est en effet souvent déterminée par des facteurs d'une autre nature. On dira ainsi, en premier analyse, que l'espérance de vie dépend du genre et du niveau social, et que la distribution spatiale de la mortalité découle donc de la répartition d'autres caractéristiques sociales. Mais ce raisonnement tombe, dès que l'on songe aux mécanismes épidémiques, sujet d'étude classique pour l'analyse spatiale, car il apparaît en effet que le dispositif spatial est de nature à influencer l'évolution du phénomène. L'exemple des mécanismes diffusionnels est d'autant plus important, qu'ils affectent aussi bien la mortalité que les échanges migratoires ou encore les changements de fécondité.

Pour finir sans verser dans l'euphorie

Nous ne pensons certes pas que l'analyse spatiale est la clef ultime pour déchiffrer les états et les flux démographiques. Les géographes n'ont pas de raison de vouloir imiter les autres disciplines comme l'économie ou la sociologie qui pensent pouvoir capturer dans leurs analyses toute la variabilité des univers démographiques. Mais les populations sont inévitablement insérées dans des espaces, qu'elles contribuent en retour à façonner profondément, et sont de plus animées d'une logique de mobilité qui recomposent sans cesse les distributions géo-démographiques.

Ces mouvements obéissent aux contraintes spatiales, mais les redéfinissent également, créant des pôles ou des corridors de circulation là où ils n'existaient pas. Cette dialectique est continuelle et la lecture géographique offre très souvent les moyens de comprendre à la fois la genèse des changements démographiques et leur portée dans la configuration de l'espace social dans son ensemble. L'exercice cartographique pose en effet des questions, qui vont nourrir la compréhension du démographe. Un effort prolongé dans cette direction, en se gardant bien des usines à gaz que justifie souvent la seule ferveur pour la technicité des SIG, permet de reconsidérer une analyse démographique "à plat". Mais rassurons-nous, parfois l'approche spatiale est de peu d'intérêt et il faut mieux le deviner avant de plonger dans les SIG.